21 janvier 2012

Quand on délibère les jeux sont faits


je m'amusais à regarder lors d'un tournoi en ligne les jeux de rythme et d'attente afin de bluffer ou non l'adversaire, de l'enerver, l' impatienter, donner impression de doute...et cela me rappela cette phrase que j'aime tant de Sartre dans l'Etre et le Néant qui dit au sujet de la mauvaise foi: "quand on délibère, les jeux sont faits". 
Il explique qu'en fait lorsque nous avons un choix difficile à effectuer, notre pensée va se donner un laps de temps qui permet d'attenuer la dureté des conséquences du choix (puisque choisir c'est aussi renoncer de fait)...
Sartre parle ainsi de "la mauvaise foi "de notre conscient qui fera sembant d'hésiter alors que, pourtant,  dès le début il sait pertinemment déjà le choix qu il prendra.

Dans le poker c'est alors une "méta-mauvaise" foi puisque nous surjouons nos doutes.
Nous retrouvons là en plus de la mauvaise foi sartrienne, ce comportement qu'ont observé les psychologues de surjouage que font souvent gens lorsqu'ils se trompent.
Par exemple, vous vous promenez dans la rue et décidez de partir à gauche, et voilà qu'après quelques pas, vous vous rendez compte que c'est à droite qu'il fallait aller! alors, du coup,pris d'une gêne égocentrique,  vous surjouez votre erreur en vous tapant le front ou en maugréant à voix haute afin que le quidam (qui pourtant vous ignore ostensiblement)  comprenne votre erreur et votre apparente illogie...
Les aréoports sont pleins de gens qui surjouent car se lèvent brusquement en entendant un vol puis se rendent compte alors qu'ils se sont trompés , que c'est le vol précédant le leur, et comme ils se sentent très cons de se rassoir tout aussi brusquement,   ils vont alors surjouer leur drame en se frappant la tete de la main, et soufflant fort voire même en parlant à voix haute maugréant des "c'est pas possible, chuis con, zut etc"

Au poker, nous sommes dans des jeux de simulacres et de renversements, nous nous trompons pas forcément mais nous allons faire comme si...regardez, nous voyons un joueur nous piquer notre big blind  et nous avons 72 . Pourtant cela nous fait râler car nous ne pouvons pas trop nous battre à ce sujet avec une main pourrie pareille, en plus c'est le début du tournoi, et en même temps voulons pas passer pour joueur trop tight pour pas que les joueurs prennent l'habitude de nous piquer sans cesse notre blind, donc nous allons soudain hésiter ou faire semblant d'hésiter afin que lorsqu'on laissera tomber ce pot pourri, notre honneur soit sauf  grâce à ce surjouage et cette mauvaise foi purement sartrienne qui adoucira notre choix et surtout ses conséquences.

Bien sûr l'effet paradoxal joue aussi; bien des joueurs lorsqu'ils vont abandonner la main vont donc surjouer et laisser s'impatienter leur concurrent en utilisant le plus de temps...induisant une hésitation lourde de sens, mais le joueur usuel sait cela du coup si l'autre attend trop longtemps son effet va râter.... tout l'art du joueur sera donc de prendre un certain temps pour marquer l'hésitation d'une belle main (1e surjouage) tout en faisant croire qu'il veut signifier ne pas avoir de main (pour bluffer l'autre), nous revenons au principe d'équivalence de filliou et du jeu de poupées russes de bien fait dans le mal fait etc.

07 janvier 2012

2e aparte (et dernier ) en réaction à l'actualité



            Il y a déjà un certain temps que j'avais écrit cet article pour le site du Pulpeclub (site de size acceptance) mais j'avoue aujourd'hui en écoutant les conneries du dr Dukan (même si j'avoue grâce à son régime avoir perdu 30 kilos il y a un an et demi) et les propos discriminatoires "grossophobes"des médias sans complexe avoir la moutarde qui me picota gentiment les narines...alors pour une fois point de poker et de parapoker mais un réel coup de gueule d'il y a déjà quelques années mais hélas toujours d'actualité

LE GROS EST UN LOUP POUR L’HOMME

Curieuse analogie que celle du loup et de l’Homme, mais si l’on considère l’intrusion dans un monde aseptisé, uniformisé, du sauvage et de l’incontrôlé ; nous pouvons alors trouver quelques curieuses similitudes entre l’image reflétée par la faune sauvage (personnifiée notamment par le loup) , et celle du gros, de l’obèse, dans la société occidentale.

 

Qui a peur du méchant loup ? 

L’intervention d’animaux sauvages dans un univers domestiqué crée un rejet et une peur irraisonnée dans une nature de plus en plus policée et façonnée par l’Homme. Le loup, le vautour ou l’ours emblèmes d’un monde archaïque et sauvage, subissent particulièrement la haine du peuple, alors que certains autres animaux bien plus nuisibles (comme le lynx et les chiens errants) jouissent d’une totale indifférence.

Le traitement du loup dans la littérature a alimenté les peurs irrationnelles à l’égard des loups, lesquels pourtant manifestent de la crainte à l’endroit de l’Homme et avaient disparu en France depuis les années 50. Les comptines , légendes , maximes , proverbes populaires etc. enseignent depuis toujours de se méfier du loup, de la meute et ont crée cette peur tenant aujourd’hui plus d’un inconscient collectif jungien que d’une peur raisonnée (la petite cinquantaine de loups basée sur le Vercors n’est objectivement pas particulièrement préoccupante pour le quidam moyen).

L’obèse, l’individu gros dans notre société moderne représente exactement le loup pour nous autres, animaux dénaturés…dans une civilisation qui cherche à modeler des individus standards, le hors norme dérange. Il y a dans le gras comme dans le poil, une obscénité que l’on cherche à cacher. La cellulite, le poil, la ride doivent être éradiquer. De la même façon que Bourdieu dans « la Distinction » à la fin des années 70 nous démontre comment plus nous touchons au classes socio-culturelles élevées, plus le corps s’étiole, de désincarne (on passe du goût des hommes ouvriers pour la femme plantureuse à celle sylphide des cadres dirigeants), l’individu lambda lui aussi veut gommer notre animalité, l’inné sauvage pour un corps plus lissé, où le culturel prend le pas sur le dictat génétique (crèmes, régimes, opérations esthétiques…)

Le gros comme le loup a aussi une image négative véhiculée depuis longtemps, des personnages savoureux mais destructeurs rabelaisiens comme gargantua et Pantagruel , on passe allégrement des ogres des contes, au personnages contemporains d’Ignatius Reilly dans la Conjuration des Imbéciles de John Kennedy Toole au début des années 60 , génial et pervers personnage adipeux ou au personnage d’Olive Martin, dans le thriller récent de Minette Walters « Cuisine sanglante » où le « spectacle grotesque de son mètre cinquante cinq pour quelque 120 kg » va ajouter à sa sinistre notoriété et l’accuser sans circonstance atténuante.


Un appétit de loup

Certes l’obscénité ou l’animalité du gros n’est pas seule cause de son rejet dans la culture occidentale, car, outre le dégoût pour le spectacle de ce débordement de chair, le gros est symbolique de notre société dans son gâchis alimentaire, du surplus que notre confort produit…du coup le gros culpabilise l’homme lambda qui y voit systématique l’image ou le porte drapeau de nos dérives alimentaires (la junk food) sans jamais comprendre ou accepter que le surpoids alimentaire vient surtout du stress et du désoeuvrement existentiel actuel. on vous proposera aimablement de prendre rendez-vous chez un diététicien, pensant que votre brilliante intelligence a buguer et n’a pas compris qu’il vaut mieux se goinfrer de carottes que de mars et gâteaux, sans imaginer un seul instant que votre compulsion alimentaire ne viennent pas de votre gourmandise. Gourmandise célèbre et charmante au demeurant car autant le personnage gros déplait celui de rond/bon vivant en revanche attire signifiant que vous appréciez la vie. Mais la limite entre rond/charmant et gros/macabre est dépassée par votre manque de volonté.
Manque de volonté créant aussi une amertume chez l’adepte neurasthénique du régime, qui se prive pour essayer de garder une ligne « fil de fer », quitte à détruire sa santé par les nombreux régimes et les multiples carences occasionnées…Comment un gros peut-il se permettre de manger ce qu’un mince ne peut pas ? Se faisant il prend alors une double part, il vole la part de l’autre…cela devient ainsi tout bonnement inadmissible, une basse provocation…


L’homme gros devient encore une fois le loup vorace destructeur (le Yzengrin ou même le Fenrir amenant le ragnarok détruisant le monde des vikings)caché parfois dans le petit américain vorace de Roal Dahl dans Charlie et la chocolaterie sa gloutonnerie le conduira à sa perte contrairement au maigre et sage Charlie (héros dickensien par excellence : pauvre, maigre et puritain) ou le cousin veule et antipathique de harry Potter…
Faut-il alors comme le loup ou l’ours nous confiner dans des réserves en faisant attention aux verres brisés dans nos confiseries ? Le gros est il vraiment ce fauve à l’affût, tout bonnement un loup pour l’homme ?

05 janvier 2012

Aparte: le principe d'équivalence appliqué à Pokerloto!!!



Louange soit donné au talent de dramaturgie de Pokerloto et sa version exceptionnelle du Dormeur du Val qui m'a mis en état de choc et me donne l'occasion de parler d'un de mes artistes fétiches, Robert Filliou et de son oeuvre clef "le principe d'équivalence" (vous avez eu peur que je vous parle d'Einstein, non non, faut pas pousser Mamie dans les orties non plus)

Robert Filliou (1926 -1987) fut un artiste drôle mais souvent peu accessible au grand public. Il appartient à cette catégorie d’artistes issus du mouvement Dada qui envisagent leur œuvre comme un travail sur le langage,  les sons ou les images, afin de remettre en question les fondements mêmes de la création. (problématique emblématique du XXe s s'il en est)

Son oeuvre phare est je pense son fameux "principe d'équivalence"... Il s'agit d'une installation présentée en 1969 à l'occasion d'une exposition à Düsseldorf  : Bien fait = Mal fait = Pas fait 

Sur les murs de l’exposition, on aperçoit une sorte de fresque, formant des séries de trilogies se démultipliant à l’infini, et que Filliou a décrit en ces termes, lors de sa première présentation : « J’ai commencé à appliquer le principe d’équivalence à un objet de 10 x 12 cm (une chaussette rouge dans une boîte jaune). Dans un carré une chaussette (le modèle), dans le carré suivant, cette même chaussette, mais présentée à l’envers, (l’erreur survenue par rapport au modèle initial) dans le troisième carré, pas de chaussette (le concept qui se passe de toute réalisation pratique). 

Ces trois premiers carrés constituent un second modèle qui à son tour sera perverti et donnera lieu à une infinité de modèles ».

.Il présente donc pour illustrer ce principe une chaussette rouge dans une petite boîte peinte soigneusement en jaune qui elle-même est juxtaposée à une boîte mal peinte avec une chaussette sans pied et à une boîte vide.
 Le même principe est développé en considérant ce regroupement des trois boîtes comme bien fait jusqu'à créer un mur couvert de boîtes en bois blanc géométriquement alignées et contenant chacune une chaussette rouge.

Cette démarche veut faire apparaître la dissociation entre le faire et le savoir-faire sachant que la problématique de la virtuosité est devenu obsolète avec le premier ready made en 1913 présenté par Marcel Duchamp: une roue de bicyclette sur un tabouret brut fut ainsi exposé...matériau brut non noble (il y avait une classification en sculpture dans les matériaux auparavant), non retravaillé.


En effet, le principe d'équivalence chez Filliou est un outil qui remet aussi en cause le statut même de l’oeuvre d’art puisqu'une oeuvre non finie, pas faite par essence, où se côtoient un modèle, l’introduction
d’une erreur et la formulation de l’idée.


 En effet, le principe d’équivalence anime autant les domaines de la science, de l’art que de la pensée. 
D’un point de vue purement scientifique, le principe sous-tend l’évolution et la complexification de la matière à travers un processus d’altération et de reconfiguration des particules élémentaires.
Sur le plan esthétique, l’équivalence devient catalyseur d’un processus artistique ininterrompu.

Bon, je vais vous éviter (s'il reste des survivants lecteurs un cours fastidieux sur l'histoire de l'art et l'art contemporain) mais le post de Pokerloto m'a fait étrangement pensé à l'oeuvre de filliou et son principe qui peut se décliner à l'infini:

Imaginons maintenant comme en parle ladycats que Pokerloto est un imposteur  (la boite) et ce récital (la chaussette) et reprenons l'équation quii va se décliner uinfinimeent : son post sera tour à tour un bien fait dans un mal fait qui est en fait bien fait ou s'il est vraiment cet individu alien: c'est un mal fait dans bien fait et donc mal  fait etc etc

Mince, je me donne moi-même mal à la tête, alors finissons là et le Poker dans tout cela?
Arf, au prochain message que je promets plus clair, enfin... je vais essayer!!!

03 janvier 2012

J'oubliais...


Bonne Année à tous, espère pour vous mille et une réussite pokérienne
Bises à tous.
xxx Busty xxx

le mtt ou le complexe d'Albertine



 
Comme je souffre profondément du peu de messages voire de visites de mon blog de poker pourtant ô combien palpitant, j'ai pris la bonne résolution 2012 d'arrêter les sujets tirés par les cheveux, alambiqués, élitistes pour me concentrer sur du racolleur...les photos les plus racoleuses n'ayant point fonctionnées à attirer le quidam, il va falloir donc en ce début d'année prévoir l'artillerie lourde, aussi je vais parler de cul! du MTT...c'est-à-dire de Lacan et de Proust (en gros des auteurs consensuels) 


 Plus sérieusement il m'a semblé que l'analogie entre les MTT et le complexe d'Albertine n'était pas dénué d'intérêt


Albertine pour ceux qui ne connaissent pas la Recherche du temps perdu est la nénette qu'aime et désir le héros et narrateur Marcel.


Selon Jacques Lacan, en 1954, dans le premier de ses séminaires tenus publiques, le désir de Marcel "ce style de désir, qui ne peut se satisfaire que d’une captation inépuisable du désir de l’autre, poursuivi, si vous vous en souvenez, jusque dans ses rêves par les rêves de l’autre! Ce qui implique à chaque instant une sorte d’entière abdication du désir propre du sujet. C’est dans ce miroitement, et je l’entends dans le sens du miroir aux alouettes qui à chaque instant fait le tour complet sur lui-même, dans ce renversement, se poursuivant à chaque instant, s’entretenant lui-même, poursuite épuisante d’un désir de l’autre qui ne peut jamais être saisi comme le désir propre du sujet, le désir propre du sujet n’est jamais que le désir de l’autre, que réside le drame de cette passion jalouse, si bien analysée par Proust, qui est aussi une autre forme de cette relation intersubjective imaginaire."


  Pour simplifier au cas où vous ayez un peu de mal avec la prose lacanienne : Marcel ne désire et n'aime Albertine que dans la souffrance de la savoir inaccessible (distante, infidèle etc), dès qu'elle est présente, aimante il s'ennuie, devient indifférent et ne l'aime plus...dans les tomes la Prisonnière et Albertine disparue on voit ainsi ce paradoxe amoureux bien connu: elle le fuit, il la désire, elle l'aime il la trouve médiocre et sans charme, elle meurt il en est d'un désir désespéré...

Lacan expliquera qu'il s'agit là d'un désir pervers et que : "non seulement il ne peut pas s’en contenter, de cet idéal réalisé, mais, dès qu’il le réalise, il perd cet objet au moment même où il rejoint cet idéal. Son assouvissement est ainsi condamné par sa structure même à se réaliser avant l’étreinte par, ou bien l’extinction du désir, ou la disparition de l’objet"

Eh bé, en voilà du joli, et le MTT me diriez-vous, déjà soupconneux que je vous ai fourgué une lecture indigeste sous couvert de MTT mais dans un vilain bluff ...que nenni, juste un semi bluff

et bien le MTT avec ses heures en ligne à désirer Albertine (c'est à dire gagner le tournoi) chez le joueur me rappelle ce désir pervers propre à Marcel (et Swann aussi avec Odette dans le 1e tome de la Recherche: le fameux "Du côté de chez Swann")...on veut gagner, et donc pendant des heures nous voilà accrocher à notre stack à désirer, nous pâmer, se languir d'approcher la table finale et plus on approche plus certains joueurs faiblissent, se contenter d'être itm et là assez proche de la belle (ITM) s'envoie bêtement en l'air ou s'amenuise jusqu'à disparaître...sorte de lassitude.
Combien échouent à la bulle après avoir mené d'une main de maître leur tournoi comme si soudain le désir inconsciemment s'éteignait avec les athéniens et dans un dernier spasme, quittez avec amertume le terrain de jeu.

Adieu Berthe! ou plutôt adieu Albertine! mais voici déjà que les tripes se remuent, et si je faisais un autre tournoi, le désir réapparaît, la castration n'était que symbolique, nous voilà déjà à la poursuite du temps perdu...nous exigeons réparation, nous redésirons Albertine!  être ITM! non que dis-je, gagner le tournoi!