23 octobre 2014

Le relou ou la calling station!

                                                                                                                           

- hé M'dame, hé m'dame tu veux pas boire un verre?
- Vous êtes charmante vous savez!
- Ah? Euh...ok. Merci!
- Je peux vous offrir un verre?
- heu non, merci, mais mon mari et mes enfants m'attendent
- je peux alors avoir votre numéro de téléphone
- (voix de fausset, sourire en tôle ondulé) ah je ne crois pas désolée, non!

C'est à ce moment là que plusieurs cas de scénarios s'offrent généralement aux dames concernées:

- Salope! tu te crois belle peut être, grosse conne, va!
- t'es raciste?
- et ton mec il te défonce bien la chatte?
- on pourrait se retrouver alors un autre jour?
- Vous allez faire un tel malheureux, je vous regarde depuis des semaines (hein?), vous avez l'air si gentille...
- Allez, 5 minutes c'est rien...

Bref, toute la gente féminine a déjà connu un de ces cas de figures dont les grandes villes (et notamment Paris du fait de son anonymat) nous abreuvent: "le relou ",

Oui! ce mec qui vous drague tandis que vous dormez à moitié dans les transports, rêvassez dans les rues et  qui ensuite vous colle espérant une érosion de votre volonté, un retournement de situation ou votre "non!" ferme deviendrait ce oui tant attendu.
Pourtant, vous étiez bien contente car vous aviez bien rodé votre refus, justifiant - comme si cela était nécessaire -  le fait que vous ayez l'outrecuidance de refuser cet acte altruiste du faquin par un mariage, votre irréprochable fidélité et des enfants...beaucoup d'enfants...la plupart abandonne aussitôt et vous partez flattée et légère de cette petite intrusion romanesque aussitôt avortée mais non, le relou lui, bêtement, s'accroche! non est un peut être voire un oui en devenir! la rebuffade? même pas peur et tandis que votre sourire poli s'amenuise et votre regard brûle des frimas de l'hiver se demandant sous quel ton employé pour que l'impudent comprenne,  le monsieur jeune ou vieux, BCBG ou en survet sans forme, continue sa gigue et son discours oiseux dévorant petit à petit votre atmosphère et le vernis de votre politesse.

Ça fait chier! c'est pas forcément bien méchant mais crevant de se faire entendre et le soir toute seule, enfin peinarde dans vos pénates vous êtes encore à grommeler sans même savoir pourquoi...
Au poker le relou est la calling station qui vous colle tandis que vous faisiez un superbe bluff et avec qui vous risquez du coup un accident de conduite (comment? il m'a pas suivi sans rien? est-ce qu'il a touché ou non?), qui vous bousille la seule superbe paire de la partie par une quinte de l'espace et qui ne comprend pas vos mises pour le faire gentiment partir et s'accroche désespérément à vous... comme hier soir cette magnifique paire de dames qui m'apparût tel un rayon de soleil dans le mercure du ciel parisien et qui fut immédiatement suivi...hé madame, madame? flop 7 k 2...je vais raiser parce que le roi m'inquiète...il suit et se call "hé, te sauve pas comme ça, on peut parler?" non je veux pas parler! avec ma chance en plus, je reraise: 8 au turn de la route...c'est là que nos chemins se séparent non? partons la tête haute en étant un peu plus sèche - je balance le tapis - il suit...et reçoit un 10...

Bien sûr il avait 8-10 même pas suited et j'ai grommelé me demandant si j'aurais dû envoyer Raoul lui bouffer sa main plutôt que mes raises (pour une fois) conventionnels et bien proprets.
J'ai claqué la porte au nez du malotrus, changé de room et je suis allée boudée devant la TV.

hé M'ssieur! 'ssieur! t'es trop classe! on va boire un verre?


15 octobre 2014

S'envoyer en l'air oui! mais dans quelle position?



Comme beaucoup de gens, je "souffre" du complexe du cadet. C'est à dire que ma position dans ma fratrie a influé depuis mon enfance sur ma personnalité et a construit tel un rempart ce sentiment constant de se sentir en nul lieu à sa place...
Cela s'est renforcé par bien des déménagements et des racines familiales un peu dispersées et cela se traduit par ma manie horripilante de m'excuser de m'excuser, de rarement être à l'aise avec les autres, un peu perdue et réfugiée dans mon monde onirique et je présuppose, enfin, je peux présupposer sans grand risque, que mon enveloppe corporelle quelque peu imposante est aussi une quête de trouver une consistance, de laisser une trace, tout comme ma fascination de l'image et (au-delà du narcissisme) particulièrement de la mienne. La question en effet, chez moi, n'est pas (ou peu) de m'aimer ou de ne pas m'aimer mais de laisser une empreinte, une permanence chez l'autre et chez moi par moult truchements.
C'est aussi certainement la raison de ma fascination du purgatoire beckettien, bloqué dans un rythme binaire , sans début ni fin, une lente agonie "pour finir encore"
Et donc dans mon jeu de masques, avec mes atouts, bad beat,  bluff ou sans bluff, j'attends inlassablement Godot.

Bien sur ma sœur aînée, elle, vous parlerait de ce poids si lourd des responsabilités, de sa famille, de ses cadettes, de devoir être la fille modèle, sérieuse... Si je doute et muse dans les méandres de mes rêves, ma sœur ne peut se le permettre et fonce, tel son signe astrologique le bélier afin d'ouvrir la voie, la brèche pour nous faciliter notre passage... elle représente "l'intellectuelle" de notre fratrie et n'agit qu'à bon escient tandis que je suis sensée être l'artiste libre de ses excentricités et à protéger de son hyper sensibilité et émotivité.
Quant à ma petite sœur, la benjamine, elle a souffert également de solitude car élevée un peu différemment, de manière plus laxiste, car bien plus jeune, elle est celle qui traditionnellement ne peut grandir tant elle focalise l'attention plus fusionnelle de nos parents mais la révolte, sa révolte alors devient également son lot -la révoltée- afin de se faire entendre et pouvoir se construire.

Dans cet exposé quelque peu sommaire et caricatural de ma famille (mea culpa envers eux) et du modèle habituel familial, on voit combien la disposition joue sur nos cartes de vie tout comme dans une table de poker: le premier à parler, l'UTG;  l'aîné se doit d'être plus avisé, plus sage (plus serré)  puisque porte toute la tablée et avance sans recul afin de préparer le jeu...il ne jouera pas donc les cartes tel un cadet plus libre de ses mouvements, se reposant sur l'aîné tout en jalousant la place chérie du benjamin car ce petit bouchon, euh bouton se sert des cartes avancées de ses deux aînées et peut se permettre alors de jouer dans une rébellion agressive des blinds , ses parents, dans une relation quasi fusionnelle.


07 octobre 2014

Des confitures du bluff raté



Il n'y a rien de plus humiliant et frustrant que de se faire prendre dans un bluff ...pas un semi bluff justifiant médiocrement votre fulgurance douteuse, mais un vrai et affreux bluff, une petite horreur que vous pensez soigneusement cachée dans les sombres tréfonds de votre âme jeu et qui explose telle une flatulence joyeuse lors du silence mortifère de l 'eucharistie d'un enterrement , d'un colloque sur la pensée de Plotin ou d'un tournoi de MTT avec tous vos copains qui vous regardent (dixit la jauge en alerte rouge de ma paranoïa) atterrés de "cette femme si bien , si comme il faut" qui vient d'émettre ce bruyant et pestilentiel (odeur de fish pourri of course) 4-2 non suited, raisé dans un all in absurde et juste complètement con!

Ah! déconfiture de l'orgueil et de la gourmandise, les malheurs de Busty me rappellent soudain la cruauté inhérente aux livres marquants de notre enfance et notamment ceux de la Comtesse de Ségur.

il est fascinant de remarquer que les plus grands écrivains pour enfants furent les plus grands sadiques: en Angleterre, par exemple, le puritanisme mordant chez Dickens se retrouvera évidemment ensuite dans les œuvres ironiques et cruelles de Roahl Dahl (Charlie et la chocolaterie, James et la grosse pêche) ou plus récemment dans celles de J.K Rowling (Harry Potter)...

En France, malgré le luxe inouï de la famille Rostopchine, l'enfance de la comtesse de Ségur fut marquée par des privations systématiques ...elle raconte dans son livre "ma chère Maman" que son père, le général Rostopchine écrivait " J'ai été privé de trois grandes réjouissances de l'espèce humaine: du vol, de la gourmandise et de l'orgueil"...Du coup, ces trois éléments seront la clef de voûte de son oeuvre romanesque et notamment dans les récits accompagnant son personnage emblématique: Sophie.

La gourmandise omniprésente est toujours punie comme dans le célèbre épisode des confitures car le personnage de Sophie s'y perd toujours dans une terrible précipitation teintée d'angoisse gâchant ainsi  systématiquement tout le plaisir qu'elle aurait pu y retirée par la peur panique d'être grondée et la culpabilité inhérente à la faute.

la faute du vol et de la gourmandise est sévèrement châtiée de manière disproportionnée, teintant de manière anxiogène les récits de la romancière car les conséquences y sont toujours tragiques et stigmatisantes (robes salies, mains poisseuses, vomissements...)

Comment ne pas retrouver dans le vol, le caractère têtu du protagoniste, la gourmandise et la punition tragique de ces livres qui hantèrent notre enfance,  la débâcle du bluff raté et dévoilé ainsi que ses conséquences ou ses châtiments tragi-comiques l'accompagnant: la culpabilité et la  honte de l'exposition de cette faute, de cette avidité goulue au vol ou grignotage des blinds incontrôlée... le poker devient alors pour nous, la cruelle belle-mère, Madame Fichini, de Sophie.