30 mai 2014

petite cogitation sur la structure élémentaire du Poker



J'avoue, il m'a fallu 45 ans et enfin atteindre le CM1 pour soudain me demander si la forme de la carte avait une incidence dans le jeu autre que son but utilitaire, son ergonomie...oui pourquoi les pions du jeu de dames, de go, Backemon sont en cercle tandis que les cartes et le Mahjong par exemple sont rectangulaires?

En fait, ce n'est pas tout à fait exact car les jeux de dames ou le Backemon sont structurellement l'inverse du poker: on passe d'un échiquier carré avec à l'intérieur des jetons ronds ou ovales à un jeu de cartes rectangulaires avec des jetons ronds, sur une table ovale...

Amusant dans cette mode de la cuisine déstructurée, après le Millefeuille classique vs celui déstructuré voici que le poker serait en jeu de stratégie ce que sont les dames là aussi dans un jeu de miroir déstructurant.

Mouais, mais cela a t'il du sens?

Of course, tout a du sens...beaucoup de gens ont discuté de la symbolique des formes ...de la pyramide triangulaire avec le nombre phi (spéciale dédicace à un ami pokérien dont je tairai le nom pour ne pas le mettre dans l'embarras mais dont la rivière est célèbre et qui m'envoya voici déjà un certain temps un lien d'une heure (gniii!!!) afin de regarder un reportage sur le nombre d'or et les pyramides)
Donc évidemment que les formes rondes, oblongues (ooh yes!), triangulaires ou rectangulaires n'ont pas la même signification...(bon d'accord oblongue n'était pas nécessaire)

En fait, deux choses m 'intriguent, je pensais à Dumezil qui dans ses travaux de mythologie comparée contate dans diverses cultures deux structures.
Ainsi, dans le forum de Rome, il distingue un temple rond d'un temple carré...or dans le temple rond voici que brûle un feu perpétuel contrairement au temple carré où il y a le feu du sacrifice...on retrouve aussi ce distinguo par exemple dans les bûchers védiques certains sont ronds, d'autres rectangulaires.

Qu'est ce que ça signifie le stable - l'instable, le permanent et le temps du sacrifice et peut-on voir une analogie avec le jeu?


on sait que le O, le cercle représente l'absolu, ce n'est pas que le O d'histoire d'O noon! c'est avant tout le om de l'univers, de  Brahma (le créateur permanent et en dehors des contingences terrestre, le deus otiosus de la trinité hindoue),
Cela représente donc la perfection, l'univers, la terre, et dans l'histoire de l'art,  cette forme sera usitée maintes fois, notamment au 20e s, avec dans l'art abstrait des artistes comme Kandinsky qui développera d'ailleurs un dogme sur le rôle et les sens des couleurs dans"Du spirituel dans l'art" ou des formes dans "Point, ligne, plan", mais aussi, par exemple, plus tard un mouvement comme l'orphisme avec les époux Delaunay.

R. Delaunay

Pour le carré et rectangle, formes souvent associées, on a vu que Dumezil parlait des temples de sacrifice.
 Le carré dans moult cultures représente la construction de l'homme (c'est la maison par exemple) ...d'ailleurs le rectangle c'est aussi l'humain, un tableau de portrait en pied est souvent rectangulaire ou lorsqu’iconique alors de forme carrée.

Bref et dans le jeu?

 Eh bien, dans le jeu de dames, je pense qu'on peut alors aisément décoder une maison crée par l4homme - l’échiquier - où se meuvent les dames représentant chacune un absolu de même valeur, le jour et la nuit, le blanc et le noir. 
C'est une guerre territoriale qui s'exprime où l'homme essaie par dessous tout de se développer et d'envahir le territoire de l'autre... En revanche dans le poker, il y a une histoire de sacrifice: le temple rectangulaire de Rome est omniprésent. Il s'agit de la carte qui représente l'aléa déterminant notre relation au monde, brûlant notre destin (d'ailleurs ne dit-on pas que le croupier brûle une carte?), notre univers soit le jeton-rond...
Pas étonnant aussi que l'on ait souvent voulu lire notre destin, notre futur dans les cartes du Tarot.

Nous sommes donc, un peu, non pas Atlas qui supporte le monde mais Chronos le temps (le rectangle)  qui dévore ses enfants, les dieux (les jetons) pour n'être plus qu'un! (bon y a aussi Highlander mais ça c'est une autre histoire)

Goya


23 mai 2014

Je est un autre.....petite complainte schizophrénique pokérienne


En littérature, on sépare ou fait un distinguo entre le narrateur et l'auteur même lorsque le récit est en focalisation interne, c'est-à-dire qu'on lit les pensées et les émotions intérieures du protagoniste, ses états d'âme. Souvent ce récit comme pour nos blogs est composé avec un "je".
J'en conclue donc que si lorsque j'écris en tant qu'auteur de ce blog, ce petit billet, je ne serai alors toujours que lue et analysée que comme narrateur.

Damned, c'est compliqué. D'autant que si on prend Blacky, il y a plusieurs personnalités à ce narrateur, on pourrait même alors parler à la manière de Deleuze de "personnages conceptuels", des hétéronymes comme, en philosophie, Socrate pour Platon ou Zarathoustra pour Nietzsche.

Personnellement en tant qu'auteur, narrateur ....beuh... gnii...bon, lorsque j'ai débuté ce blog en 2010, mon idée était d'utiliser déjà un personnage "bustydoll" que j'avais crée avec mon meilleur ami des années auparavant, dans un projet artistique, un personnage qui était une sorte de pastiche de Divine dans les films de John Waters ...Ce personnage se voulait assez ridicule, aguicheur et vulgaire.


Ce personnage devint un pseudonyme remplaçant le surnom de mon enfance (Rouffy) et me servit ensuite pour faire mes premiers pas sur le net, lors de mes rencontres es galipettes, car parfaitement fonctionnel pour les besoins du genre puisque assez descriptif sur certaines spécificités de mon anatomie.
Il devint une seconde peau, que je m'appropriais et, en créant ce blog, j'usais de ce personnage pour essayer d'incarner une sorte de diva du catch (si, si, faut être ambitieux dans la vie) . Un bluff théatral, pastichant et me moquant un peu du côté journal intime des blogs. Jouant avec des photos et  en essayant parrallèlement, dans mes textes, de concevoir le poker comme un atome où graviterait mille et un électrons(thèmes) si possible le moins en adéquation avec le noyau central pour naviguer dans un jeu d'absurdité et illustrer ainsi la fameuse blague de Beckett du Pantalon dans "Fin de Partie":

- NAGG. ― Ecoute-la encore. (Voix de raconteur.) Un Anglais ― (il prend un visage d’Anglais, reprend le sien) ayant besoin d’un pantalon rayé en vitesse pour les fêtes du Nouvel An se rend chez son tailleur qui lui prend ses mesures. (Voix du tailleur.) « Et voilà qui est fait, revenez dans quatre jours, il sera prêt. » Bon. Quatre jours plus tard. (Voix du tailleur.) « Sorry, revenez dans huit jours, j’ai raté le fond. » Bon, ça va, le fond, c’est pas commode. Huit jours plus tard. (Voix du tailleur.) « Désolé, revenez dans dix jours, j’ai salopé l’entre-jambes. » Bon, d’accord, l’entre-jambes, c’est délicat. Dix jours plus tard. (Voix du tailleur.) « Navré, revenez dans quinze jours, j’ai bousillé la braguette. » Bon, à la rigueur, une belle braguette, c’est calé. (Un temps. Voix normale.) Je la raconte mal. (Un temps. Voix de raconteur.) Enfin bref, de faufil en aiguille, voici Pâques Fleuries et il loupe les boutonnières. (Visage, puis voix du client.) « Goddam Sir, non, vraiment, c’est indécent, à la fin ! En six jours, vous entendez, six jours, Dieu fit le monde. Oui Monsieur, parfaitement Monsieur, le MONDE ! Et vous, vous n’êtes pas foutu de me faire un pantalon en trois mois ! » (Voix du tailleur, scandalisée.) « Mais Milord ! Mais Milord ! Regardez ― (geste méprisant, avec dégoût) ― le monde… (un temps)… et regardez ― (geste amoureux, avec orgueil) ― mon PANTALON ! »

Bref... en appartenant à la communauté  des blogeurs de poker, j'entrais en plus dans une académie du je, dans un vrai théâtre de caractère puisque chaque blog ayant sa propre personnalité, son atome et ses électrons.

Robert Morris "I"

Sacrée galaxie d'égo...pourtant... je lisais aujourd'hui un excellent livre d'entretiens de Michel Serres: "Pantopie: de hermès à la petite poucette" et je fus frappée notamment sur un passage où Michel Serres explique que pour penser il faut se retirer de son égo...Mince!!! je viens soudain de comprendre pourquoi mon cerveau n'était plus qu'un yaourt 0%!

Pire, j'ai le regret de vous annoncer, que nous sommes tous une vilaine bande de décérébrés car, je cite le philosophe dans le "Tiers Instruit" : "La pensée commence quand le désir de savoir s'épure de toute compulsion de domination"
Ben merde alors! on est tous des fishs (et pas juste bibi) parce que quand même la base d'un tournoi c'est bien de dominer le jeu de son adversaire pour lui piquer son stack....
Dominer! ouais! moi je veux savoir les cartes pas pour le plaisir uniquement de la connaissance mais en vue de gagner...d'ailleurs, pas assez en fait...au-delà des aspects techniques, je pense véritablement que je n'évolue pas dans ce jeu et resterais toujours une gentille joueuse récréative car je suis une grosse fainéasse n'ai pas véritablement la soif de gagner! oh oui j'adore remporter le prize pool mais je joue pour m'amuser, pour observer ce pantalon, même si j'ai salopé l'entre-jambe...je n'arrive pas à le prendre au sérieux et pourtant je me rappelle mon ancien coach mangeur de chihuahua et perdu dans des gorges profondes qui disait, euh pardon criait "on n'est pas là pour jouer à la dînette"...

En attendant, j'ai peut être était un peu fort dans le sur-jeu de cette histoire..  voilà pourquoi j'ai paumé mon expresso.... bah, après tout, c'est pas moi, c'était l'auteur!

11 mai 2014

le syndrome de Stendhal au Poker



Enfin un article purement technique sur le poker, quoique...bon un article qui se veut un brin littéraire même si le mot semble  présomptueux pour certains venant d'une analphabète irrespectueuse de niveau CP mais qui est - il faut ben l'avouer - très développée au niveau du buste et tout autant narcissiquement...ah ces parents qui laissent dès le primaire leurs enfants jouer avec leur portable et faire un millier de petits autoportraits.
Et après ils s'étonnent que leurs gamins fassent des blogs et qu'ils parlent du syndrome de Stendhal et du Poker....

La première fois que j'entendis parler du syndrome de Stendhal, c'est en étudiant Proust à la faculté.
 En effet, dans la Recherche du temps perdu, Marcel Proust raconte une scène autobiographique par l'intermédiaire du personnage de Bergotte, décrivant très exactement son malaise:

"Enfin il fut devant le Vermeer qu’il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu'il connaissait, mais où, grâce à l'article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. Ses étourdissements augmentaient ; il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu'il veut saisir, au précieux petit pan de mur. 'C'est ainsi que j'aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune. "
Cet évanouissement face au petit pan de mur jaune (qui n'existe d'ailleurs pas dans le tableau) qu'avait ressenti Marcel Proust lors d'une exposition en prétextant un malaise dû aux pommes de terre qu'il avait ingurgité lors de son déjeuner, est typique du syndrome de Stendhal. Il s'agit d'un trouble psychosomatique provocant de la tachycardie, des vertiges, des crises de nerfs chez certains individus devant la surcharge émotionnelle provoquée par certaines œuvres d'art. C'est un trouble assez proche de celui du syndrome du voyageur provoquant des états délirants aigus face à certains endroits mythiques (l'Inde, l'Italie, Paris, Jérusalem).

Je ne me suis jamais évanouie devant une oeuvre d'art mais je me rappelle l'émotion me submergeant la première fois que je vis la toile "l'église d'Auvers-sur-Oise" de Van Gogh à Orsay, voici presque 30 ans. Ce sentiment d'être noyée par le bleu du ciel et la crise de pleurs qui s'ensuivit, oubliant tout: la foule, le temps, restant devant cette toile hypnotisée...ce coup de poing qui vous laisse totalement hagarde!!!


Ce sentiment de sublime, je l'ai ressenti également en voyant interpréter à la TV, par Jean-Louis Barrault , la pièce radiophonique de Beckett: "Dis joe"...cela dura 20 minutes. 20 minutes insoutenables où l'on ressent l'étouffement de cette voix intérieure qui hante le protagoniste, qui vous hante, où le jeu parfait, minimaliste de Barrault vous brise tant tout cela parait d'une telle justesse, d'une telle cruauté.

Je n'ai jamais oublié "cette hache qui brise la mer gelée en nous" pour paraphraser Kafka. Cela me rendit littéralement malade, j'en fis une réelle crise d'hystérie...ce trop plein d'émotion, ces larmes, je l'ai vécu quelques fois, très rarement depuis, comme un privilège, lors d'une exposition de Bruce Nauman à Beaubourg il y a 15 ans, ou en allant voir les chorégraphies de Pina Bausch...ce moment sublime dans le théâtre de Wüperthal  où elle dansa alors déjà très âgée, devant cet aquarium, cette fragilité, beauté, intensité et ce sentiment de vivre un instant de beauté pure qui ne se reproduira jamais et qui a hélas disparu avec elle....


Un désespoir de ce présent qui n'en est déjà plus un. Le vide de son absence...

plus prosaïquement, je me rappelle ma mère qui un jour, alors que j'étais enfant, gagna 5 numéros au loto...elle était dans un tel état de suspens et de tension que lorsque le 6e numéro sortit elle me dit ensuite que finalement, peut être était-ce fort bien qu'elle n'ait pas gagné le gros lot, ce 6ème numéro car le choc lui aurait fait avoir un infarctus.

Certes on est loin des œuvres d'art mais malgré tout il y a ce tsunami émotionnel qui vous submerge et cela m'a rappelé la première fois où je fus ITM d'un deep stack...à chaque fois que je gagnais des places je ressentais une excitation croissante avoisinant l'hystérie, en table finale je gloussais et ricanais...j'étais chip leader et avais au moins 4 fois le tapis du 2ème joueur mais la perspective de gagner 350 et quelques euros avec mes 2 euros de départ était si intense que j'ai involontairement bousillé mon jeu et tilté, étant dans un état second...je ne suis pas sure (loin de là) qu'on puisse parler du syndrome de Stendhal chez le joueur de poker pourtant ce boléro émotionnel est le même que je ressentis en regardant ma pièce favorite de Beckett par Barrault...à chaque palier le corps se tend, le souffle s'entrecoupe avant de gagner une intense petite mort...ici, certes, un brin hélas anorgasmique, du pot final mais... quelle jouissance et quel petit morceau de vie pure proustien!!!