16 août 2014

Don quichotte, Opalka et le joueur de poker


Un peu lasse d'être de retour dans la capitale, je pensais dans un spleen non désagréable à tous les projets que je n'avais pas mené à bien par manque de temps, trop occupée à gambader en forêt et à humer l'air pur du causse... Dans les détours des sentiers, enivrée des odeurs et de leur quiétude, j'ai un peu oublié que je voulais enfin mener à bien quelques "projets artistiques"... tant pis pour mes idées de photos, de sculptures et d'installations... idem pour ma décision de reprendre les pinceaux après quasi 20 ans d'abstinence, elle retourna rapidement dans le Léthé d'où je l'avais extirpée... après tout, cela attendra encore un peu me disais-je désabusée!
Pourtant, tel fut mon unique leitmotiv de ma prime enfance où je contemplais des heures durant, avec une évidente délectation, le livre de mes parents sur les reproductions du Louvre jusqu'à mon immersion dans la vie active, un peu avant mes 30 ans.

Bien sur, sans grande originalité, comme beaucoup, je faisais mienne la superbe et émouvante chanson de Brel, "la Quête", tirée de sa comédie musicale Don Quichotte




Don Quichotte ...Le héros de Cervantès errant sur les routes comme Opalka, cet artiste qui adolescente me fascinait et qui de 1965 (année du 1) jusqu'à sa mort peignit tous les jours, dans une constance monacale, ses "détails", une trace du temps qui passe...en fait les chiffres puis les nombres égrainant ce temps. Dans ce combat absurde et épique , de ses nombres ou de ses moulins à vent, arrivé au 1.000.000,  il ajouta à ses toiles, chaque jour dans sa peinture initialement noire 1% de blanc. Chaque jour, après avoir peint ses nombres, il se photographia, "un selfie "dirions-nous aujourd'hui avec dérision, toujours dans la même pose, la même attitude.

Cet artiste obsessionnel poursuivit toujours une même oeuvre jusqu'à l'acmé utopique, dans des toiles qui sont pourtant jamais les mêmes...son travail prend évidemment tout son sens dans la durée...et ne s'achèva qu'à sa mort en 2011...Le temps a alors rabattu son manteau.


Le joueur de Poker à l'envi contre ses adversaires mais aussi souvent contre lui-même, tel Opalka ou Sisyphe, régulièrement, voire quotidiennement, s'engage dans la lutte redoutable des tournois ou des tables de cash game, reprenant et ravissant pour lui les vers de la chanson de Brel tel un Don Quichotte qui essaie de:

"...Brûler d´une possible fièvre (...)
Tenter, sans force et sans armure,
D´atteindre l´inaccessible étoile
Telle est ma quête,
Suivre l´étoile
Peu m´importent mes chances
Peu m´importe le temps
Ou ma désespérance
Et puis lutter toujours
Sans questions ni repos
Se damner (...)
Brûle encore, bien qu´ayant tout brûlé
Brûle encore, même trop, même mal
Pour atteindre à s´en écarteler
Pour atteindre l´inaccessible étoile."

Parfois, peut-être à raison, vaincu par le chevalier à la Blanche Lune de sa table, le joueur comme le héros du roman picaresque abandonne non seulement la partie par nécessité ou pour se résigner car après tout comme Cervantès l'écrivait "se retirer n'est pas fuir"... pourtant... cette dernière main, ce 1 pour cent de blanc qui caresse et flirte avec le monochrome absolu idéalisé de la toile blanche d'Opalka...Dieu qu'il entend son pas d'étoiles en étoiles.

11 commentaires:

  1. Une chanson qui me donne toujours les poils.
    http://stefalpokerblog.blogspot.be/2011/05/la-quete.html

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    1. 'avais oublié ton bel article Stefal et adore cette expression que je ne connaissais pas " donner les poils" (pour une amatrice d'ours je ne pouvais que plussoyer à cette image), merci de ton commentaire :)

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  2. merci de ton comique de répétition, je ne sais si j'ai l'honneur au maître Capello ou au publicitaire déchu mais c'est tout à fait ton droit de ne pas apprécier mon roman se voulant comique et un brin érotique...je comprends tout à fait et te remercie de ton avis éclairé et de ton immense courage d'écrire sous anonymat!

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  3. (moi aussi je n'en m'en lasse pas et ça me fout toujours autant les poils)

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    1. "La quête" ma chanson préférée du grand Jacques parmi biend'autres que j'adore, ,c'est cet hymne à la vie que j"ai demandé de passer lors de mon enterrement... Bibis de Bubu

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  4. Très joli post, quant aux courageux anonymes laisse causer... juste pitoyables de bêtise et de méchanceté bien à l'abri derrière l'écran...

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    1. Merci poulette et oui c'est pas grave juste stérile et infantile mais bon si cela les distrait....

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    2. Rectification : Moi je suis un anonyme connu, enfin du moins de Busty... Bibis de Bubu

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    3. rires mais toi Gérard tu signes par un pseudo que je connais . bises

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  5. Excellent recit. Écrit en équilibre parfait. Merci pour la langue française et pour mes neurones

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