17 avril 2010

Analyse picturale d'une partie de carte: "le Tricheur"



Au XVII°siècle, le thème de la partie de carte est un thème récurrent dans la peinture de genre. Ainsi, par exemple la toile du peintre français Georges de la Tour (1593 -1652) «le tricheur» datant aux alentours de 1625,conservé au Louvre.


L’artiste fut un des plus grands peintres reconnus de son époque, très influencé par le clair obscur de Caravage mais aussi par les peintres hollandais tels Honhorst et Terbrugghen qu’il découvrit lors d’un voyage en Hollande. Peintre à succès sous Louis XIII, il sombra dans l’oubli jusqu’au début duXXe siècle. On ne connait encore actuellement que très peu de ses toiles, une quarantaine seulement pour une œuvre pictural qui devait comportait quelques trois cent pièces


Dans «le tricheur», le lieu ici n’a que peu d’importance d’une trame dépassant la simple manifestation de la dans un but allégorique d’avertissement..


La scène dévoile trois joueurs de cartes et une servante réunis autour d’une table. Les bouches sont closes, les gestes et les regards suspendus. Ces gens sont sans doute en train de disputer une partie de prime, ancêtre du poker. Au XVII°siècle, les jeux de hasard, de dés et de cartes, sont très pratiqués, bien que l’Eglise les condamne et que le Roi les interdise.

Les parties sont infiltrées par des tricheurs professionnels ; de fortes sommes sont communément pariées. Les pièces d’or, qui s’étalent, ici, sur la table (des pistoles d’Espagne, monnaie utilisée à l’époque) expliquent la tension qui règne.
L’esprit libertin, qui imprègne cette œuvre, se repère à différents indices, comme la taille et le nombre des perles portées par la joueuse, au centre de la toile.

Au-delà de la symbolique sensuelle qu’on leur prête dès la Renaissance, ces bijoux constituent l’attribut de l’amour vénal. Ces perles nous expliquent donc que cette femme est une courtisane
Les plumes, qui ornent chapeaux et turbans, maintes fois représentés dans les scènes galantes revèle une vie au mieux une vie oisive, facile, voire licencieuse.
La servante, de profil, tend un verre de vin à sa maîtresse, tandis que sa main gauche maintient fermement le goulot d’une bouteille pointant, sans doute, le jeune blanc-bec qu’il s’agit de "mettre à sec".
Le joueur de gauche tire un as de carreau d’une ceinture de soie, assez large pour contenir des cartes, ce qui laisse penser que l’homme est un tricheur qui connait parfaitement son métier.

Autour de la table, l'axe central de la composition, le jeune personnage de droite est isolé du groupe que forme les trois autres par sa verticalité, par son regard détaché et par la richesse de son costume qui tranche nettement par rapport à la simplicité de celui de son voisin de gauche.

Quant au groupe uni dans un triangle, il est complice : le jeu de main de la femme assise, l'attention visible dans le regard de la seconde et le geste discret du tricheur que le peintre prend au vif forment un groupe uni contre un jeune personnage, naïf dans le monde qui l'entoure.

Tout oppose les deux personnages installés en vis à vis : le jeune homme, vêtu de riches et brillantes étoffes bien ajustées, qui va se faire posséder, et le filou, dont les aiguillettes pendantes disent le débraillé tant physique que moral.
Le tricheur, le visage resté dans l’ombre, guette sa proie, alors que celle-ci, avec son air gourmé, incarne la crédulité même.

Un regard porté vers le spectateur place celui-ci dans la confidence de ce qui est en train de se jouer au détriment du jeune innocent.

Enfin, l'éclairage latéral accuse les contrastes, conférant à l’ensemble de la scène un air dramatique. Le fond noir, sans profondeur fait ressortir d’autant les protagonistes, comme détachés abstraitement, malgré leurs habits marqués par une époque, c’est pour toujours que ces figures se prêtent à cette allégorie.

Comme dans sa toile " La diseuse de bonne aventure ", la tension entre les protagonistes est contrecarrée par tout un appareil de formes rondes : têtes, chapeaux, épaules, seins, coudes ; à quoi s’ajoutent: nœuds, damiers, entrelacs, toutes formes prises, à leur tour, dans le réseau " fédérateur " constitué par la double et sinueuse ligne des mains et des regards dont celui de la courtisane particulièrement inquiétant et énigmatique portant ainsi toute la fausseté du monde.

8 commentaires:

  1. Voila un bon billet et je t'encourage à développer tes compétences historiques et artistiques plutôt que de jouer au poker.
    Amitiés.

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  2. tient, quand on parle de fausseté du monde...

    Personne ne joue pour perdre, avant de débuter, je me suis demandé ce que l'on pouvait gagner au poker. Mais chaque égo a une valeur et il y a un prix à payer pour chaque mensonge. Chacun y paie sa dime.

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  3. quel étrange message, j avoue être un tantinet perplexe

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  4. Pour moi "fausseté" = vanité.
    Se considérer important, défier le hasard, c'est se mentir. Le mensonge se paie et au poker on paie en argent.

    Puis je te demander ce qui te pousse à jouer ? Je doute que ce soit le plaisir de perdre ou celui de se faire insulter par "pokerloto".

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  5. Bah le plaisir de bien jouer, de m'améliorer, un défi aussi...perdre ou gagner pour moi reste secondaire... le plaisir de découvrir de nouvelles stratégies...il y a évidemment grande vanité à vouloir finir première mais avant il ya le plaisir du jeu, de regarder comment les autres aussi fonctionnent etc
    L'argent joue malgré tout dans l'adréaline évidemment et la gestion du stress...je epnse justement qu'on ne se ment aps mais on essaie de dépasser certaines probabilités ^^

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  6. intéressante analyse !
    tu as fait des études d'histoire de l'art ou alors c'est inné ?
    A voir sur mon blog : une BD inspirée de ce tableau

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  7. oui j'ai un double cursus universitaire en fait, ai fait des études d'histoire de l'art et archéologie mais me suis spécialisée en contemporain (notamment dans les rapports entre littérature et peinture) et bien plus tard j'ai fait des études d'arts plastiques (après la théorie me suis confrontée à la pratique)
    Voili voilou tu sais tout^^
    Sinon bravo pour ton article que j'avais lu hier avec amusement, c'est manière drôle et détournée de montrer des oeuvres d'art que j'aime beaucoup, j'apprécie l'iconoclastie

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  8. Pinaise le recyclage... ou le déterrage... ;-)
    Tu comprends bien que je n'ai pas lu jusqu'au bout... :-D #TropIntello

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