Je relisais l'excellentissime livre de sociologie du goût "l'homnivore" de Claude Fischler (ed. Poches, Odile Jacob,Paris, 2011,) qui explique entre autre avec simplicité comment penser c'est ordonner et classer.
En effet, l'esprit humain présente la particularité de produire des catégories, des taxinomies, normes et règles.:Il n'existe à ce jour aucune culture qui soit dépourvue de règles alimentaires même si elles ne sont pas toujours les même. La variété observée ne concerne donc pas le contenant des règles (en d'autres termes leurs structures) mais le contenu.
Par ailleurs, cette activité cognitive chez l'homme apparait étroitement liée à des mécanismes d'affectifs, comportementaux voire même des manifestations physiologiques, sans faire la dégueu on peut même ajouter que la simple transgression de ces règles culinaires comme l'association de 2 aliments considérés comme incompatibles (Fischler prend l'exemple d'huitres et de confiture) peut déclencher aversion, dégoût et même nausée et vomissements.
Tout cela pour vous dire qu'incorporer un aliment tant sur le plan réel qu'imaginaire (ou symbolique) fonde l'identité: nous devenons comme le dit le vieil adage ce que nous mangeons non seulement individuellement mais aussi collectivement: les hommes marquent l'appartenance à une culture ou un groupe par leur spécificité alimentaire, que se soit par des tabous ou lois religieuses (viande hallal/ cacher, tabou du porc etc) mais aussi nationalement au niveau sémantique les anglais sont appelés les roastbeef, les italiens macaroni, français froggies etc.
Ce acte d'incorporer est si lié à notre identité que de nos dégoûts une immense gravité (voire anxiété) en découlent par peur d'incorporer un mauvais objet pouvant nous contaminer et nous posséder (et donc par jeu de miroir nous déposséder de notre identité).
Et le poker dans tout cela?
Eh bien il fonctionne dans la même morphologie que les us et coutumes alimentaires puisque régit de structures, de règles qui vont définir l'appartenance du jeu (no holdem/omaha/stud etc) et à l'intérieur même de ces groupes d'autres règles intrinsèques vont séparer le bon vin de l'ivraie, le bon joueur du donk ou fish (tiens, d'ailleurs ce sont des mots d'animaux nous dépossédant du fait du mauvais jeu de notre caractéristique identitaire d'humain).
Dans ces règles où pourtant les aléas sont inhérents, qui n'a pas ressenti un dégoût voire une nausée de perdre son stack avec une top paire genre AA ou KK face à une association improbable aussi peu ragoutante qu'un j2, q3 etc? Nous sortons alors de table pris de nausée culturelle (le bon joueur ou joueur joué gagnant face à une calling station débile qui "bouffe" injustement notre tapis...)
A l'inverse aussi qui n'a pas aussi ressenti une terrible anxiété matinée d'un brin de culpablité de gagner dans une association de cartes très laides?
Finalement les tables que se soient alimentaires ou jeux d'argent sont régit par une même structure avec certes un art de la table et de la politesse qui peut différer mais une même analogie morphologique identitaire.
Intéressant !
RépondreSupprimerCela est applicable en partie au poker. Je m’explique, oui tu as raison que l’étiquette fish se colle assez facilement sur une personne sortant des rails lisses et bien rectilignes du poker bien pensant. En clair si online tu ne joue pas 22/18 tu es un fish. Assez drôle car pour combattre un 22/18 efficacement, la dernière chose à faire est de conserver les mêmes stats que lui. Le même syndrome s’applique au fameux « limp ». Il ne faut pas limper, ce n’est pas bien, c’est un truc de fish. Certes, mais pourquoi Phil Ivey limpe aux high stakes ? C’est un fish ce mec ?
Ainsi l’ordre établi au poker n’est pas forcément un gage d’intelligence mais plutôt de mimétisme primaire qui assure l’intéressé de se faire accepter des clubs de regs bien pensants. Gagner est une autre histoire…
Keep Going
Andtherivercame en mode anonyme
Bien vu Andtherivercame tu as particulierement raison
RépondreSupprimer"Gagner est une autre histoire…" c'est le hic^^