de l'autre coté du miroir

"Que peux bien penser le miroir de l'aveugle qui le contemple?" 

J'ai toujours adoré cette phrase assez hermétique de prime abord de l'écrivain allemand Peter Handke.

L'image au poker est un thème passionnant car j'ai rarement vu un jeu aussi codifié et plein de stéréotypes ..d'abord stéréotypes machistes, comme le vocabulaire usité le démontre constamment ainsi que dans le jeu de testostérone de "qui a la plus grosse" qu'on retrouve dans la structure même du jeu, cette compétition de qui pisse le plus loin, le mieux, avec le jet le plus long afin d'emporter le stack.

Il y a une compétition constante, un rapport de force qui me fascine...moi qui déteste les comparaisons, le sentiment d’être jaugé ou jugé constamment, ai rarement autant senti dans un jeu une constante attention, et compétition omniprésente avec mépris, complicité , solidarité, trahison, en fait... un vaudeville fait de cartes .

Porter un stéréotype est utile, personnellement j'ai toujours été fasciné par les images, j'en use lourdement  parfois comme modèle (du fait de ma morphologie particulière) avec un plaisir de servir de support ou à mon envie narcissique de métamorphoses ou a contrario de servir d'instrument à un autre univers artistique que le mien et de participer de fait également à différentes aventures humaines... plus c'est différent, mieux c'est....contrairement au poker où finalement être codifiée, figée permet malgré parfois un léger étouffement de pouvoir poser ses filets....

Rester distanciée demeure le maître mot mais parfois nous tiltons, une conversation dans le chat nous déstabilise ..nous surprend et nous fait perdre la main pour sauter joyeusement en ligne, c'est ce qui s'est passé ce soir de manière amusante au MMs, au moment dangereux où je commençais à me lasser (il y a toujours un moment clef dans le MTT où - honte sur moi - le jeu me barbe et ne vois plus que le côté chronophage, c'est le moment dangereux où nous caricaturons notre jeu en espérant implicitement ou doubler ou sauter....j'étais dans cet état d'esprit lorsque la conversation badine du chat glissa un brin et me surpris, juste assez pour me déconcentrer d'avantage et mal jauger, jouer et me faire dévorer par un donk bet dont j'ai le secret hélas et un bluff contre Blacky qui ne fonctionna absolument pas comme je le souhaitais...aie! le démon avait la main trop chaude pour moi et me suis brûlé.

Je ressentis une gène terrible d'avoir ainsi gaspillé mon tapis bêtement et tandis que je quittais le tournoi, je dois avouer avoir même eu quelques secondes  de mauvaise humeur qui me déstabilisa, j'étais mécontente contre moi-même certes mais un brin vexée de réagir mal à ma sortie et de me découvrir  mauvaise perdante, mince allais-je piquer les poupées de vaudou de Mama? finalement dans une sorte de transe télépathique , étions-nous en train d'échanger un instant durant nos caractéristiques...chouette, j'allais peut être acquérir un tempérament plus trempé...mais non, je repris mon regard amusé par ma psyché et celles des autres et tandis que je prenais une douche avant de me mettre lascivement au lit, je regardais le miroir, pensais à la phrase de Peter Handke , souris et appuyai sur le bouton de mon appareil photographique.